Miettes de lecture

Jacques Romain. Gouverneurs de la rosée

  • Un arbre c’est fait pour vivre en paix dans la couleur du jour et l’amitié du soleil, du vent, de la pluie. Ses racines s’enfoncent dans la fermentation grasse de la terre, aspirant les sucs élémentaires, les jus fortifiants Il semble toujours perdu dans un grand rêve tranquille. L’obscure montée de la sève le fait gémir dans les chauds après-midi. C’est un rêve vivant qui connaît la courses des nuages et pressent les orages, parce qu’il est plein de nids d’oiseaux.
  • La vie, c’est la vie : tu as beau prendre les chemins de traverse, faire un long détour, la vie c’est un retour continuel. Les morts s’en reviennent en Guinée et même la mort n’est qu’un autre nom pour la vie. Le fruit pourrit dans la terre et nourrit l’espoir de l’arbre nouveau. (Pour les vodouisants, la Guinée est le séjour des morts)
  • Je ne veux plus t’entendre. Tes paroles ressemblent à la vérité et la vérité est peut-être un péché.
  • Les femmes étaient les plus enragées : elles étaient véritablement déchaînées. C’est qu’elles étaient les premières à savoir qu’il n’y avait rien à mettre sur le feu, que les enfants pleuraient de faim, qu’ils dépérissaient, les membres grêles et noueux comme du bois sec, le ventre énorme. Elles en avaient parfois la tête dérangée et qu’elles s’injuriaient, à l’occasion, avec des mots que ça n’est pas permis. Mais les injures des femmes ne tirent pas à conséquence, ce n,est que le bruit fait avec du vent. Ce qui était plus grave, c’était le silence des hommes.
  • On chante le deuil, c’est la coutume, avec les cantiques des morts, mais lui, Manuel, a choisi un cantique pour les vivants : le chant du coumbite, le chant de la terre, de l’eau, des plantes, de l’amitié entre les habitants, parce qu’il a voulu, je comprends maintenant, que sa mort, soit pour vous le recommencement de la vie.
  • … la vie, c’est un fil qui ne se casse pas, qui ne se perd jamais et tu sais pourquoi? Parce que chaque nègre pendant son existence y fait un nœud : c’est le travail qu’il a accompli et c’est ça qui rend la vie vivante dans les siècles des siècles : l’utilité des hommes sur cette terre.

La Montagne, février 2023

#roman; #Haïti #vaudou

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